Anonyme
SERENADO D’UN AMOUROUS DESPORTAT
[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.293]
Attribution
Cette chanson provençale est anonyme. Le mot de « Desportat » qui apparaît au titre semble, au premier abord, indiquer le nom d’un poète, ce que suggère la disposition des mots et la ponctuation, analogues aux titres de La Debaucho (n° d.290) et des Pledegeaires (n° d.292). Il est probable que le scripteur anonyme de la partition a mal interprêté la source de sa copie. Le mot « desportat » qualifiant plutôt les sentiments de l’amoureux éconduit (voir Dossier attributions).
Source
Anonyme, Serenado d’un amourous./ Desportat, dans Recueil Deslauriers (n° d.293), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 237-238, F‑Pn/ Rés Vma ms 571
(quatre derniers systèmes du f.237 ; f. 237v et 238 en entier)
le premier système de chaque feuillet a été rogné lors de la reliure ; la partie de haute-contre est donc lacunaire aux mes. 25-33 et 65-71 ; une proposition de reconstitution est proposée ici en tenant compte de l’emplacement du texte, visible, et de quelques signes qui restent apparents dans le bas de la portée
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater cette chanson pour laquelle aucune autre concordance n’a été établie.
Effectifs – Disposition – Interprétation
ut2,ut3,ut4
Cette pièce, notée sans accompagnement, se chante à trois voix d’hommes : haute-contre, taille et basse. On pourra ajouter une basse continue en doublant la partie vocale la plus grave : clavecin, luth et viole.
Notes sur le texte
Chanson provençale qui reprend le topos de l’adieu à la femme aimée : le poète renonce à son amour devant l’indifférence, voire la cruauté, qui lui est opposée. Le thème est traditionnel mais il se mêle ici d’une inflexion burlesque par le recours à des registres bas et, comme il arrive parfois dans ce genre de chansons, d’une coloration bachique (voir le dossier de Jean-François Courouau).
Texte
Serenado d’un amourous desportat
Enfin, apres ques (a) prou menat,
Traite borni, vay desarmat.
Jou (b) non cregni plus ges de flecho
Si nes tirado d’uno plecho.
Vuoli (c) vioure (d) senso (e) pensie
En despiech daqueou merdacie.
Ingrato, non esperes (f) plus
Douvi (g) de soupirs merfondus
Mesclas au son de ma (h) guittaro.
Et quand vous veillarias encaro.
Tringoutrin (i) nes pas per vous.
Aurias beou a fa lous hues dous (j),
Gardas toujours un cuor de ferre.
Lou caguessango (k) que va faire (l)
Aquo mes tout indiferent.
Vouoli vioure (m) et mourir content.
Apres tant de peno perdudo,
Bacchus mes vengut en ajudo.
Tringoutrin nes pas per vous,
Aurias beou a fa lous (n) hues dous,
Tin tiri tiri, Tringou,
Tringoutrin nes pas per vous,
Aurias beou a fa lous (o) hues (p) dous.
(a) source (b) : « queis ».
(b) id. (hc, plus loin) : « you ».
(c) id. (hc, t) : « Vouoli ».
(d) id. (hc) : « veire » ; reprise (toutes parties) : « veire ».
(e) id. (hc & t) : « sensso ».
(f) id. (hc) : « esperez ».
(g) id. (hc) : « dauvi ».
(h) id. (t, plus loin) : « la ».
(i) id. (hc) : « trigoutrin ».
(j) id. (hc & t) : « doux ».
(k) id. (b) : « caguessanguo », (t) « caguessangou ».
(l) id. (hc & b) : « ferre ».
(m) id. (hc) : « vouoli viure », (b) : « vouli vioure ».
(n) id. (hc) : « leis ».
(o) id. (hc & b) : « fach lou »
(p) id. (hc) : « hueis », (b) : « hees ».
Traduction
Sérénade d’un amoureux éconduit
Enfin, maintenant que c’est assez,
Traître borgne, je vous ai désarmé.
Je ne crains plus aucune flèche
Si elle n’est tirée d’un cerceau de tonneau.
Je veux vivre sans chagrin
En dépit de ce morveux.
Ingrate, n’espérez plus
Entendre des soupirs morfondus
Mêlés au son de ma guitare,
Même si vous devez à nouveau ne pas en dormir.
Tringoutrin n’est pas pour vous.
Auriez-vous beau faire les yeux doux,
Vous gardez toujours un cœur de fer.
Le tohu-bohu que ça va faire
M’est tout à fait indifférent.
Je veux vivre et mourir satisfait.
Après tant de peine perdue,
Bacchus m’est venu en aide.
Tringoutrin n’est pas pour vous,
Auriez-vous beau faire les yeux doux.
Tin tiri tiri, Tringou
Tringoutrin n’est pas pour vous,
Auriez-vous beau faire les yeux doux.
(établissement du texte et traduction : Jean-François Courouau)