Anonyme
LES PLEDEGEAIRES
[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.292]
Attribution
Cette chanson provençale, considérée comme « remarquable » par Brossard (Catalogue, p. 351-352), est anonyme. Le nom d’Émerye (ou Émerge) qui apparaît au titre indique probablement celui du poète (voir Dossier attributions, voir aussi pour cet auteur la chanson no 290).
Source
Anonyme, Les Pledegeaires. Emerye, dans Recueil Deslauriers (n° d.292), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 235v-237,
F‑Pn/ Rés Vma ms 571
(4e et 5e systèmes du f.235v ; f. 236 et 236v en entier ; 1er système du f. 237)
le premier système de chaque feuillet a été rogné lors de la reliure ; la partie de haute-contre est donc lacunaire aux mes. 17-24, 57-62 et 93-101 ; une proposition de reconstitution est proposée ici en tenant compte de l’emplacement du texte, visible, et de quelques signes qui restent apparents dans le bas de la portée
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater cette chanson pour laquelle aucune autre concordance n’a été établie.
Effectifs – Disposition – Interprétation
ut2,ut3,fa3
Cette pièce, notée sans accompagnement, se chante à trois voix d’hommes : haute-contre, taille et basse. On pourra ajouter une basse continue en doublant la partie vocale la plus grave.
Notes sur le texte
Chanson satirique en provençal dirigée contre le milieu judiciaire accusé de faire traîner les procès et de s’enrichir sur le dos des plaignants. Le sujet est courant dans la littérature occitane du xviie siècle, il l’est moins en chanson (voir le dossier de Jean-François Courouau).
Texte
Les Pledegeaires
Que paraudes (a) pouden fourni (b),
Paures pleidans per la musiquo (c) ?
Languissen d’uno febre etiquo (d)
Que names au ponch (e) de mourir.
Sian au palays depuei (f) des ans
Et toujours lou prouces coumenso.
Sian desja las daquesto senso.
Nan pêlat (g) coume de vacquans.
Lous avoucas (h), lous procurous,
Leis greffies, leis (i) solicitous,
S’entendon (j) coumo (k) de freilaires
Per nen tondre leis pledegeaires.
Lou coumissari eme son clerc
Tenon toujours (l) la griff’en ler.
Nouostre mau non si pou pas dire.
Marchand que perde non pou (m) rire.
(a) source (t) : « pauraudes » ; (b) : « paurodes ».
(b) id. (t) : « fourny ».
(c) id. (toutes parties) : « musique ».
(d) id. (t) : « febre etique » ; (b) : « febro etique ».
(e) id. (plus loin) : « ponch », « point » ; (b) : poun ».
(f) id. (hc) : « despuei » biffé.
(g) id. (t) : « pealat » ; (b) : « peala ».
(h) id. (b, plus loin) : « advoucas ».
(i) id. (t, plus loin) : « lous ».
(j) id. (b) : « s’entendent ».
(k) id. (t) : « coume » ; (plus loin) : « come ».
(l) id. (toutes parties) : toujour ».
(m) id. (hc) : « pau ».
Traduction
Les Plaideurs
Quelles parades pouvons-nous offrir,
Nous pauvres plaideurs, à cette musique ?
Nous souffrons d’une fièvre étique
Qui nous met sur le point de mourir.
Nous sommes au palais depuis dix ans
Et toujours le procès recommence.
Nous sommes bien fatigués de cette poussière.
On nous a tondus comme des vagabonds.
Les avocats, les procureurs,
Les greffiers, les solliciteurs,
S’entendent comme des parasites
Pour tondre les plaideurs.
Le commissaire et son clerc
Ont toujours la griffe en l’air.
Notre mal est indicible.
Marchand qui perd ne peut rire.
(établissement du texte et traduction : Jean-François Courouau)