Anonyme
LOU COUROUX DEIS BUGADIERES
[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.289]
Attribution
Cette chanson provençale, considérée comme « remarquable » par Brossard (Catalogue, p. 351-352), est anonyme (voir Dossier attributions).
Source
Anonyme, Lou Couroux deis Bugadieres, dans Recueil Deslauriers (n° d.289), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 231v-233,
F‑Pn/ Rés Vma ms 571
(deux derniers systèmes du f.231v ; f. 232 et 232v en entier ; 1er et 2e systèmes du f. 233)
le premier système de chaque feuillet a été rogné lors de la reliure ; la partie de haute-contre est donc lacunaire aux mes. 13-18, 43-48 et 73-78 ; une proposition de reconstitution est proposée ici en tenant compte de l’emplacement du texte, visible, et de quelques signes qui restent apparents dans le bas de la portée
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater cette chanson pour laquelle aucune autre concordance n’a été établie.
Effectifs – Disposition – Interprétation
ut2,ut3,fa3
Cette pièce, notée sans accompagnement, se chante à trois voix d’hommes : haute-contre, taille et basse. On pourra ajouter une basse continue en doublant la partie vocale la plus grave.
Notes sur le texte
Chanson anonyme provençale consacrée, comme la précédente, à des lavandières mais dans une perspective différente. Le texte rend une rixe entre femmes, déclenchée par une d’entre elles qui a troublé l’eau de sa voisine et ponctuée par des insultes portant sur l’âge, l’immoralité, l’alcoolisme, la pratique de la sorcellerie… Les lavandières finissent par se battre et le narrateur est impuissant à les séparer. Le sujet est particulièrement rare dans la chanson en France au XVIIe siècle (voir le dossier de Jean-François Courouau).
Texte
Lou couroux deis Bugadieres
Tiro ti daqui, vieillo sandan !
Tiro ti deila, vieillo putan !
Non mi treboules l’aigo !
Ay ! que (a) mas marit daibo (b) !
As aussat lou coude matin ;
Au flascon, nia plus ges de vin ;
Masco, sourciero, macarello !
Sies ben presto à mi fa querello !
Bullo souiro (c), jarro putan !
Teni que vas ubrio tout l’an !
Pif, paf, flit, flat ! pif, paf, flit, flat (d) !
Auras d’un (e) tuorqueman (f) bagnat !
Buono (g) coumaire (h), veneyci (i) !
Non leis (j) poudi pas desparti.
Mouordon, graffignon.
Venez leou sesclafon
De cous de baceous (k) !
Las ! lou sang coulo de par tout,
Non nen (l) poudi pas veni à bout.
(a) source (hc) : « ques ».
(b) id. : (t) : « dibo ».
(c) id. : (b) : soüiro.
(d) id. : (toutes parties), ordre aléatoire des onomatopées.
(e) id. : (t) : « du ».
(f) id. : (hc) : « tourqueman » (t) : « torqueman ».
(g) id. (hc) : « buone ».
(h) id. (t) : « comaire ».
(i) id. (t, b, plus loin) : « veneici ».
(j) id. (hc) : « leys ».
(k) id. (hc, b) : « baceou ».
(l) id. (b plus loin) : « ne ».
Traduction
La colère des Lavandières
Va-t’en d’ici, vieille édentée !
Va-t’en de là, vieille putain !
Ne trouble pas mon eau !
Oh ! comme tu m’as chagrinée !
Tu as levé le coude ce matin ;
Dans le flacon, il n’y a plus de vin ;
Sorcière, envoûteuse, maquerelle,
Tu es bien prête à me chercher querelle.
Fière salope, cause toujours putain !
J’affirme que tu es ivre toute l’année !
Pif paf flit flat ! Pif paf flit flat !
Tu vas recevoir un torchon trempé !
Bonne commère, viens ici !
Je ne peux pas les séparer.
Elles mordent, elles griffent.
Venez vite, elles se frappent
À coups de battoirs !
Hélas ! le sang coule partout,
Je ne peux pas en venir à bout.
(établissement du texte et traduction : Jean-François Courouau)