Anonyme
HA PLANGE FILIA JERUSALEM
[Tours, Bibliothèque municipale, ms 168, n° t.51]
Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.138]
Attribution
Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions).
Sources
A.
Anonyme, [sans titre], dans Recueil de motets et chansons de Tours (n° t.51), partition, ms, 365 x 230 mm, f. 70v-71, F-TO : ms 168
(f. 70v et 71 en entier)
B.
Anonyme, [sans titre], dans Recueil Deslauriers (n° d.138), partition, ms,
352 x 220 mm, f. 114-114v, F-Pn : Rés Vma ms 571
(2e et 3e systèmes du f. 114 ; 1er et 2e du f. 11v)
C.
Anonyme, [sans titre], dans [titre du dos] Psaumes Gouy et/ Dumont, partie séparée de dessus, ms (1681), p. 105, D-BNu (Bonn, Universitäts- und Landesbibliothek) : S 2980
Notice RISM A/II : 450065127
Première page de garde du recueil : « J Pirani 1682 | Viviaci » [Viviaco = nom latin de Vevey en Suisse] et « Johannis Rudolphi Albertini 1728 ».
Sur le contreplat avant de la reliure : « Chansonnier de la fin | du 17me siecle (1681) voir la table | Acheté à Berlin », à gauche de l'ex-libris « WECKERLIN ».
Comparaison des sources
Les sources A et B témoignent d’un lien et peut-être d’une origine commune, manifeste dans la section « en corpus crudeli lancea perforatum » (voir ci-dessous). On notera toutefois quelques variantes quant aux choix des altérations et de certains mouvements mélodiques dans les parties intermédiaires. Elles sont décrites dans le document Concordances ci-contre, y compris pour la source C qui comporte d'importantes différences. Elles sont analysées dans le dossier de Peter Bennett.
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater ce motet pour lequel aucune concordance n’a été établie, ni même de proposer une provenance géographique.
Utilisation liturgique
Vendredi saint ? Ténèbres ? Répons ?
Effectifs – Disposition – Interprétation
sol2,ut1,ut3,ut4,fa4
Le motet est composé pour un chœur à cinq parties. Les deux parties de dessus, chantées par les enfants de chœur, sont soutenues par trois pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille et basse.
Notes sur le texte
Pour ce texte d’inspiration très libre, le poète anonyme a réalisé un centon à partir de différentes expressions renvoyant au temps pascal, mêlant habilement par exemple, dans une même phrase, les plaintes de Jérémie (3e leçon des ténèbres du vendredi saint) : « Plange quasi virgo plebs mea », aux réjouissances de la fête des Rameaux (Zacharie, ix, 9) : « Exulta satis, Sion jubila Filia Sion ; jubila Filia Jerusalem ». On trouvera aussi, ici et là, quelques allusions au O filii pour le jour de Pâques (« Vide Thoma, vide latus, vide pedes, vide manus, noli esse incredulus, alleluia. »), à l’Évangile de Jean (xix,34 : « lancea perforatum »), mais peut-être aussi au De Virtute de saint Thomas d’Aquin (« natura non deficit in necessariis »).
L’établissement du texte est complexe du fait des variantes entre les sources A et B, comme indiqué dans les notes ci-dessous, et ce particulièrement pour la section « horrescunt sydera… ». Au présent de la source A (« horrescunt »), s’oppose le subjonctif de B (« horrescant »). Cette section, et notamment les paroles qui suivent (« tristantur omnia natura deficit »), probablement dues au poète, demeurent quelque peu obscures. Par ailleurs, la qualité du latin est par endroit douteuse, comme pour ce « plange filiæ » de la source B, et surtout le « per foratum » que l’on trouve dans les deux sources, appuyé par un silence du compositeur qui a suivi le poète.
Texte
Ha ! plange, filia (a) Jerusalem.
Ha ! plange, virgo filia Sion.
En manus, en pedes, en latus, en corpus crudeli lancea perforatum (b).
O amor, ô dolor ! horrescunt (c) sydera (d).
Tristantur omnia ! natura deficit.
Ha ! plange filia Jerusalem.
Ha ! plange virgo filia Sion.
(a) source B : « filiæ ».
(b) source B : « per foratum ».
(c) source B : « horrescant ».
(d) source A : « sidera ».
Traduction
Ah ! pleure, ô fille de Jérusalem.
Ah ! pleure, vierge, fille de Sion.
Voici les mains, voici les pieds, voici le côté, voici le corps percé par la lance cruelle.
Oh amour, oh douleur ! les cieux sont pris d’effroi.
Que tout s’attriste ! la nature défaille.
Ah ! pleure, ô fille de Jérusalem.
Ah ! pleure, vierge, fille de Sion.
(traduction : Jean Duron)