Anonyme
QUÆRAM QUEM DILIGIT
[Tours, Bibliothèque municipale, ms 168, n° t.61]
Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.150]
Attribution
Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions).
Sources
A.
Anonyme, [sans titre], dans Recueil de motets et chansons de Tours (n° t.61), partition, ms, 365 x 230 mm, f. 77v-78v, F-TO : ms 168
(2e système du f. 77v ; f. 78 et 78v en entier.)
B.
Anonyme, [sans titre], dans Recueil Deslauriers (n° d.150), partition, ms,
352 x 220 mm, f. 123-123v, F-Pn : Rés Vma ms 571
(f. 123 en entier ; 1er système du f. 123v)
Comparaison des sources
Ces deux sources témoignent d’un lien et peut-être d’une origine commune. On notera toutefois quelques variantes quant aux choix des altérations et de certains mouvements mélodiques dans les parties intermédiaires. Les variantes sont décrites dans le document Concordances ci-contre. Elles sont analysées dans le dossier de Peter Bennett
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater ce motet pour lequel aucune autre concordance n’a été établie, ni même de proposer une provenance géographique. Il est difficile de ne pas voir là le modèle de Bouzignac, par exemple dans son motet Dum silentium (voir ms Tours, n° t.37). Pour ce qui est de la provenance de ce motet, il n’est pas impossible qu’il ait été composé en Languedoc ou en Provence.
Utilisation liturgique
?
Effectifs – Disposition – Interprétation
sol2,ut1,ut3,ut4,fa3
Le motet est composé pour un chœur à cinq parties. Les deux parties de dessus, chantées par les enfants de chœur, sont soutenues par trois pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille et basse.
Notes sur le texte
Le texte de cette histoire sacrée anonyme se présente sous la forme d’un centon dialogué, lui aussi anonyme. Les paroles des deux premières incises sont tirées textuellement de la Genèse (iii, 1-2). Le dialogue lui-même est dû à l’auteur du centon.
La formule « Jesus verus Joseph » (Jésus, véritable Joseph) a suscité de nombreux débats au début du xviiie siècle. Employée par saint Ambroise, évêque de Milan au ive siècle, elle associe ainsi l’image de Joseph, fils de Jacob, dans la Genèse à celle du Christ, en comparant la phrase « Joseph mittet manum super oculos tuos » (Joseph vous imposera la main sur les yeux) et le passage de l’Évangile selon saint Jean rapportant la guérison de l’aveugle par Jésus ‒ voir anonyme (Jean-Baptiste Le Sesne d’Étemare ?, Jacques-Joseph Duguet ?), Tradition des saints Pères sur la conversion future des Juifs, s.l.s.n., 1724, p. 35. L’abbé François Joubert qui a consacré un ouvrage entier à Joseph, rassemble et discute l’ensemble des liens que les pères de l’Église ont mis en évidence entre Jésus et le patriarche, notamment dans un chapitre intitulé : « Traits de ressemblance entre Joseph et Jesus-Christ multipliez, mais dérangez » (Explication de l’histoire de Joseph, selon les divers sens que les saints Pères y ont aperçus, avec une dissertation préliminaire sur les sens figurés de l’Écriture, s.l.s.n., 1728, chap. xxxiv, p. 156).
De même, la phrase suivante, « Fratres meos quæro », renvoie à l’histoire de Joseph et à l’amour que celui-ci porte à ses frères envieux. L’abbé Joubert compare ainsi cet épisode de la Genèse (xxxvii) à « tous les dons avec lesquels [le Christ] a paru au milieu des Juifs, après avoir representé la jalousie des Chefs de la Sinagogue » (id., p. 157).
On notera que le motet anonyme Ha morior (voir ms Tours, n° t.87) traite de ce sujet. Il n’est pas impossible que ce centon soit du même auteur.
Texte
[PRIMA PARS]
Quæram (a) quem diligit anima mea.
In lectulo meo per noctes, quæram quem diligit anima mea.
« Jesus, verus Joseph, quid quæris ?
« Fratres meos quæro. »
« Quid quæris in cruce ? »
« Fratres meos quæro. »
« Quid in sepulchro ? »
« Fratres meos quæro. »
« Quid quæris ? »
« Fratres meos quæro. »
Quæram quem diligit anima mea.
SECUNDA PARS
« O Jesu mi, quid me quæris ? »
« Quia frater meus es. »
« Si perii, quid me quæris ? »
« Non quærerem nisi perisses. »
« Si perii, quid me quæris ? »
« Quæro quia peristi. »
Quæram quem diligit anima mea.
(a) source B : « queram » ; id. pour toutes les occurrences suivantes.
Traduction
[PREMIÈRE PARTIE]
Je chercherai celui qui est le bien-aimé de mon ame.
Dans mon lit durant les nuits, je chercherai celui qui est le bien-aimé de mon ame.
« Jésus, véritable Joseph, que cherches-tu ? »
« Je cherche mes frères. »
« Que cherches-tu dans la croix ? »
« Je cherche mes frères. »
« Que cherches-tu dans le sépulcre ? »
« Je cherche mes frères. »
« Que cherches-tu ? »
« Je cherche mes frères. »
Je chercherai celui qui est le bien-aimé de mon ame.
SECONDE PARTIE
« O mon Jésus, pourquoi me cherches-tu ? »
« Parce que tu es mon frère. »
« Si je meurs, pourquoi me cherches-tu ? »
« Je ne chercherais pas à moins que tu ne sois mort. »
« Si je meurs, pourquoi me cherches-tu ? »
« Je cherche parce tu es mort. »
Je chercherai celui qui est le bien-aimé de mon ame.
(traduction : Jean Duron.)