EX ORE INFANTIUM
[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.17]
Attribution
Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions).
Source
Anonyme, [sans titre], dans Recueil Deslauriers (n° d.17), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 17v-19v, F-Pn/ Rés Vma ms 571
(f. 17v-19v en entier)
utilisation de la notation noire (mes. 19-20, 34-36, 64-65)
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater ce motet pour lequel aucune autre concordance n’a été établie. Toutefois, l’allusion au siège de La Rochelle et à la défaite des Anglais permettent de proposer les années 1627-1628 ou les suivantes pour la composition de cette œuvre qui fait allusion aux victoires de Louis XIII sur les protestants.
Utilisation liturgique
Saints Innocents. Pour le roi.
Effectifs – Disposition – Interprétation
sol2,ut1,ut2,ut3 // ut1,ut3,ut4,ut4,fa4
Le motet est composé pour un chœur à neuf parties disposées en deux chœurs : avec deux voix de dessus chantées par les enfants de chœur dans le premier choeur, soutenus par deux pupitres d’hommes : haute-contre (on pourra utiliser ici un bas-dessus) et taille ; le second chœur est à cinq parties avec une voix de dessus accompagnée par quatre pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille, basse-taille et basse. La basse-taille du second chœur qui joue le rôle du récitant peut être isolée.
Notes sur le texte
Ce centon dialogué anonyme est très original et d’inspiration libre. Il utilise toutefois, en guise de refrain, le début du 3e verset du psaume 8 Domine Dominus noster (« Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem »), ainsi que l’extrait d’une oraison de la fête des saints Innocents (« non loquendo, sed moriendo confessi sunt »). Enfin, le long passage central consacré au massacre des Innocents est presque entièrement tiré d’un sermon attribué à saint Augustin : « Pugnabat mater et carnifex : ille trahebat et illa tenebat. […] Simul occide cum parvulo matrem […] Alia dicebat : Quid quæritis ? […] Alia contra clamabat : Veni jam, veni, Salvator mundi. […] Nullum times :videat te miles, et nostros non occidat infantes » (voir la référence ci-dessous).
Ex ore infantium perfecisti laudem.
Non loquendo, sed moriendo, perfecisti laudem.
Nascente Domino, terra, cælum, pastores, angeli, reges, innocentes, Herodes Jerosolima, omnia turbantur : terra dat Bethleem, cælum dat stellam, pastores, rustica dona, angeli cantant gloriam, reges adorant, innocentes dant vitam, Herodes crudelitatem, Hierosolima dabit mortem.
Omnia turbantur.
Ex ore infantium perfecisti laudem.
Ubi nascetur Christus ? In Bethleem.
Occidite ! O crudelis !
Pugnabat mater, pugnabat carnifex : ista tenebat, iste trahebat (a). Latro, occide matrem !
Alia dicebat : Veni Salvator !
Alia : Videat te miles !
Alia : Non occidat infantes !
Clamant : Omnia turbantur.
Ex ore infantium perfecisti laudem,
Verum, ô Ludovice, ô rex Franciæ, Angles superando, Rupellenses (b) obsedendo, ex ore innocentium perfecisti laudem.
(a) Deslauriers : « tradebat »
(b) id. : « Ruppelences ».
Traduction
Par la bouche des enfants, tu t’es couvert de gloire.
Tu t’es couvert de gloire non point par la parole, mais par l’effusion de sang.
À la naissance de Jésus, la terre, le ciel, les bergers, les anges, les rois, les enfants innocents, Hérode, Jérusalem, tout se trouble : la terre engendre Bethléem, le ciel engendre l’étoile, les bergers sont des dons de la nature, les anges glorifient l’enfant, les rois viennent l’adorer, les enfants innocents permettent la vie, Hérode la cruauté, Jérusalem donnera la mort.
Tout se trouble.
Par la bouche des enfants, tu t’es couvert de gloire.
Où le Christ est-il né ? À Bethléem.
Faites-le mourir ! O cruel !
La mère le disputait au bourreau, le retenant, quand il lui ravissait l’enfant : Soldat, immole la mère !
Une autre disait : Viens, Sauveur du monde !
Une autre : Que le soldat te voie !
Une autre : Qu’il ne massacre plus nos enfants !
Elles implorent à grands cris : Tout se trouble.
Par la bouche des enfants, tu t’es couvert de gloire.
En vérité, ô Louis, ô roi de France, en boutant les Anglais, en assiégeant les Rochellois, tu t’es couvert de gloire, par la bouche des enfants.
(traduction de l’emprunt à saint Augustin : Œuvres complètes de Saint Augustin traduites en français, par H. Barreau, Joseph-Maxence Péronne, Charles Vincent, Pierre-Félix Écalle, Jean-Pierre Charpentier, tome XX, Paris, Louis Vives, 1873, Sermon ccxx, « In Natali sanctorum Innocentium », p. 378)