Projet éditorial

Sources

Attributions

Notes pour l'interprétation

Bibliographie

Normes éditoriales

Les trente-sept Livres d’airs de différents auteurs (LADDA), publiés chaque année de 1658 à 1694 par les imprimeurs parisiens Robert Ballard puis Christophe Ballard, rassemblent 1220 airs. Cette collection se voulait une anthologie des meilleurs airs de l’année, que venait compléter la publication régulière de monographies d’auteurs. La conception des Livres d’airs de différents auteurs est à l’image du goût du temps : l’amateur éclairé de poésie et de musique, épris de nouveauté et en même temps soucieux de compiler, de classer, d’agencer, appréciait la structure du recueil, qui permettait de garder à la mémoire quantité d’airs tout en l’autorisant à un vagabondage d’une pièce à l’autre.

Livre d'airs de différents auteurs, I, 1658

Livre d'airs de différents auteurs, I, Paris, Robert Ballard, 1658. © Gallica.

Ces recueils étaient susceptibles d’utilisations diverses : déchiffrage pour soi, exercice avec le maître de chant, chant en société… Ils intéressaient autant l’amateur, soucieux d’exercer sa voix sur des airs à la mode, que le chanteur professionnel qui souhaitait élargir son répertoire, ou encore l’habitué des salons à la recherche d’un air déjà entendu. Les combinaisons proposées par les Ballard sont d’ailleurs multiples : airs à voix seule sans accompagnement, airs à deux voix, airs à deux voix et basse continue, chiffrée ou non, plus rarement airs à trois voix et basse continue…

Cette édition monumentale, achevée en mars 2017, a été conduite par Jean Duron, Anne-Madeleine Goulet, Frédéric Michel, Clémence Monnier et Mathilde Vittu, avec la collaboration au CMBV de Laurence Ardouin, Marie-Pascale de Carrara, Julien Charbey, Jérémy Crublet, Agnès Delalondre, Catie Hurel et Sylvie Lonchampt.

Projet éditorial

La présente édition électronique est fondée sur le répertoire publié par Anne-Madeleine Goulet, Paroles de musique (1658-1694). Catalogue des "Livres d'airs de différents auteurs" publiés chez Ballard (Sprimont : Mardaga ; Versailles : CMBV, 2007). Ce catalogue, qui se veut une bibliographie critique des 1220 airs de la collection, indique pour chacune des pièces le nom du compositeur et celui du poète lorsqu'ils ont pu être établis grâce à la comparaison avec d’autres sources de l’époque, fournit le texte du poème, l’incipit musical en fac-similé, l’ensemble des sources littéraires et musicales où ce texte apparaît jusqu’en 1750, ainsi qu’une comparaison entre le texte de ces versions et celui de la collection Ballard.

Sources

La présente édition s’appuie sur la collection des LADDA conservée au Département de la musique de la Bibliothèque nationale de France, maintenant disponible sur sa bibliothèque numérique Gallica. Nous remercions la Bibliothèque nationale de France pour la mise à disposition de ses sources sur Gallica et la publication d'un Dossier Gallica consacré à cette collection.

Attributions

Dans les LADDA, l’anonymat des poètes est total, celui des compositeurs quasi généralisé – pour 99 airs seulement l’imprimeur indique un nom de musicien. Le travail de recherche des auteurs, fondé sur une confrontation des airs avec d’autres sources de l’époque, a été mené par Anne-Madeleine Goulet dans l’ouvrage cité ; il en résulte que 81 poètes et 39 compositeurs ont œuvré de façon certaine à l’élaboration des airs de la collection. À ces noms il faut ajouter ceux des 15 compositeurs qui font l’objet d’une attribution seulement possible. Afin que le niveau de certitude de nos attributions soit précisé, le nom des auteurs a été qualifié avec diverses mentions :

Nom 

Le nom de l’auteur figure dans les Livres d’airs 

Nom [attr.]

L’attribution est certaine.

Compositeur [attr. poss.] 

L’attribution est possible (on sait que tel musicien au XVIIe siècle a mis en musique tel poème, mais on n’est pas sûr que la mise en musique des LADDA soit précisément la sienne.

Compositeur [attr. dout.]

L’attribution est douteuse (lorsqu'une seconde attribution vient contredire la première et qu’il est impossible de déterminer laquelle devrait être retenue).

Compositeur/poète [attr. err.]

L’attribution est erronée (lorsqu'il est certain que l’attribution à tel compositeur ou à tel poète proposée dans une autre source est erronée).

Quand deux poètes ont œuvré à un même poème, nous avons systématiquement indiqué quelle strophe revenait à chacun des deux : nom [attr. str. 1]. Parfois seule l’attribution d’une strophe était certaine ; dans ce cas, nous avons indiqué : nom du poète de la strophe dont l’attribution est certaine [attr. poss.][str. 1/2/3].

Notes pour l’interprétation

Proposer une édition électronique des LADDA,c’est mettre à la disposition des interprètes et des historiens de la musique un des principaux corpus d’airs sérieux, jusqu’à présent difficilement accessible comme l’atteste la discographie fort succinte de ce répertoire, puisque sur les 1220 airs de la collection, seule une cinquantaine d’entre eux avait fait l’objet d’un enregistrement en 2017. Nourris de notre pratique personnelle, nous avons choisi d’en proposer une lecture qui devrait conduire à une utilisation double : critique et analytique grâce au fac-similé, pratique grâce à l’édition moderne. Les choix inévitables qui ont dû être opérés dans le cadre de l’édition ne sont donc pas impératifs : libre au lecteur de se reporter au fac-similé et de se forger un avis personnel.

La présentation de la source, qui rejette les strophes secondaires en bas de page, a été conservée. Ce choix, qui impose un travail prosodique important au chanteur soucieux d’interpréter tous les couplets d’un même air, prend tout son sens à l’examen des pratiques d’interprétation de l’époque. Il revenait à l’interprète de suffisamment s’imprégner de la musique du simple pour ensuite adapter le second couplet et en proposer une version ornée : le double, dans lequel le « temps des syllabes » n’est pas forcément respecté[1]. Dans la préface de ses Airs à quatre parties (Paris, Robert Ballard, 1650), Jacques de Gouy souligne à plusieurs reprises l’importance que revêt le premier couplet du poème quant aux choix esthétiques et musicaux du compositeur[2] : ce sont ces premiers vers qui déterminent l’ethos de la pièce ; c’est à leur mesure que la musique est adaptée ; ce sont les quantités de ses syllabes qui sont respectées par le compositeur, même si ce dernier tâche autant qu’il lui est possible de « bien accommoder […] la prononciation du premier couplet à tous les autres », quitte parfois à « changer les plus beaux endroits du chant, qui avoit esté fait sur le premier verset ».

Notre parti pris cherche à éviter de figer l’interprétation et il respecte la pensée de Bertrand de Bacilly, pédagogue, compositeur et théoricien majeur de l’air, qui, dans la troisième partie de ses Remarques sur l’art de bien chanter, intitulée « De l’application du chant aux paroles pour ce qui regarde la quantité », pose clairement la question de l'adéquation de la musique de l’air au texte des couplets supplémentaires : comment peut-on « ajuster des monosyllabes ou même d’autres mots dans les chants qui ont plusieurs couplets, & dont ce qui est long dans le premier, est bref dans les autres, & toutefois sur les mêmes notes soit longues, soit brèves, lesquelles notes ont été placées à propos sur les syllabes du premier couplet »[3] ? À cette question fondamentale, il répondait en ces termes :

« il est donc vrai qu’il se trouve des monosyllabes qui sont longs & brefs dans un premier couplet […] ; & cependant s’il se trouve que dans le second il y en ait d’autres qui ne puissent jamais être brefs, c’est à celui qui chante à remédier par son industrie à cet inconvénient, & conserver autant que faire se peut la mesure & le mouvement de l’air ».

Dans ces propos on décèle l’idée que le chanteur doit avoir mémorisé la musique du simple pour pouvoir adapter naturellement la prosodie du second couplet.

Bibliographie

- Catherine Gordon-Seifert, « “La Réplique galante” dans les airs de Sébastien de Brossard », dans Jean Duron (éd.), Sébastien de Brossard Musicien, Paris, Klincksieck, Versailles, Éditions du CMBV,1998, p. 181-201.

- Anne-Madeleine Goulet, Poésie, musique et sociabilité au XVIIe siècle. Les Livres d’airs de différents auteurs publiés chez Ballard (1658-1694), Paris, Champion, 2004.

- —, Paroles de musique (1658-1694). Catalogue des “Livres d’airs de différents auteurs” publiés chez Ballard, Sprimont, Mardaga, Versailles, CMBV, 2007.

- —, « Serious songs, musical practices and sociability in Paris at the end of the seventeenth century », dans Stefanie Beghein, Bruno Blonde et Eugene Schreurs (éd.), Music and the City. Aspects of Urbanity and Musical Culture in Early Modern Europe, Actes du colloque de l’Université d’Anvers, Belgique, 11-14 mars 2010, Louvain, Leuven University Press, 2013, p. 143-159.

- Anne-Madeleine Goulet et Laura Naudeix, La Fabrique des paroles de musique en France à l’âge classique, Wavre, Mardaga, Versailles, CMBV, 2010.

- Laurent Guillo, Pierre I Ballard et Robert III Ballard : imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673), Sprimont, Mardaga, Versailles, CMBV, 2003, 2 vol.

- Laurent Guillo et Frédéric Michel, « Nouveaux documents sur le maître de chant Bertrand de Bacilly (1621-1690) », Revue de musicologie 97/2, 2011, p. 269-327.

- Clémence Monnier, Histoire et analyse d’une collection musicale du XVIIe siècle : les Livres d’airs de différents auteurs publiés chez Ballard (1658-1694), thèse sous la dir. de Raphaëlle Legrand (Paris, Université Paris IV-Sorbonne, 2011).

- Clémence Monnier et Mathilde Vittu, « Les seconds couplets en diminution : la théorie de Bacilly à l’épreuve des doubles écrits », Bacilly et les remarques curieuses sur l’art de bien chanter, Actes de la journée d’étude organisée par Jean-Noël Laurenti, CESR (Tours), 28 novembre 2008, Annales de l’ACRAS, à paraître.

- Lisa Perella, « French song in the 1660’s », Seventeenth-century French studies, 20, 1998, p. 83-94.

Normes éditoriales

Les sources, publiées en parties séparées sans barre de mesure (voir fac-similé), sont transcrites ici en partition avec des barres de mesures.

L’orthographe et la casse sont entièrement modernisées. L’emploi des majuscules pour tout usage allégorique de noms communs est respecté. Les anciennes flexions verbales (ex. « que je die ») ont été conservées. La ponctuation ancienne, donnant des indications pour la déclamation, est maintenue, mais normalisée lorsqu’il y a incohérence entre le dessus et la basse.

Les références de chaque air sont indiquées en haut à gauche de chaque page, dans la présentation LADDA-[année]-[n°] proposée par Anne-Madeleine Goulet (voir son ouvrage) ; la foliotation originale ou la pagination (à partir de 1685) est signalée en haut à droite.

Les strophes supplémentaires sont imprimées après la partition comme dans la source (voir plus haut à propos de l’interprétation).

Les notes critiques sont indiquées par des crochets, renvoyant aux notes de bas de page. Pour la musique les appels sont chiffrés : (1), (2), (3)… tandis que pour le texte, ils sont figurés par des lettres, (a), (b), (c)…

Le système d’altération est normalisé. Les erreurs sont signalées en petit corps dans la portée, les suggestions des éditeurs au-dessus de la portée.

Les ligatures et liaisons sont normalisées, comme les clés, les armures et les signes de reprise.

 

[1]              L’expression est de Marin Mersenne, Harmonie universelle contenant la théorie et la pratique de la musique…, Paris, 1636, vol. 2, p. 410. Sur Gallica.

[2]              Sur cette question, voir Théodora Psychoyou, « De la présence de l’air de cour dans les écrits théoriques du XVIIe siècle : une rhétorique de l’actio », dans Georgie Durosoir (éd.), Poésie, musique et société : l’air de cour en France au XVIIe siècle, Sprimont : Mardaga ; Versailles : CMBV, 2006, p. 183-205, surtout p. 194-197.

[3]              L’Art de bien chanter de M. de Bacilly... Augmenté d’un discours qui sert de réponse à la critique de ce traité… Paris, l’auteur, 1669, p. 350-351. Sur Gallica.