Anonyme
DIC MARIA QUID VIDISTI
[Tours, Bibliothèque municipale, ms 168, n° t.88]
Attribution
Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions).
Sources
Anonyme, [sans titre], dans Recueil de motets et chansons de Tours (n° t.88), partition, ms, 365 x 230 mm, f. 110-112v, F-TO : ms 168
(f. 110-112v en entier.)
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater ce motet pour lequel aucune autre concordance n’a été établie, ni même de proposer une provenance géographique. Il est difficile de ne pas voir là aussi le modèle de Bouzignac, par exemple dans son Dum silentium (voir Tours n° t.37).
Pour ce qui est de la provenance de ce motet, il n’est pas impossible qu’il ait été composé en Languedoc ou en Provence (voir Tours n° t.22).
Utilisation liturgique
Pâques.
Effectifs – Disposition – Interprétation
ut1,ut3,ut4,ut4,fa4
Le motet est composé pour un chœur à cinq parties. La partie de dessus, chantée par les enfants de chœur, est accompagnée par quatre pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille, basse-taille et basse.
Notes sur le texte
Le beau texte de ce motet, signalé par Prosper Guéranger (voir ci-dessous), fait parler Marie-Madeleine décrivant la crucifixion, la mise au tombeau et la résurrection. Il s’agit de la partie d’une longue séquence ou cantique dialogué entre les anges et Marie-Madeleine. Selon James F. Burke (Vision, the Gaze, and the Function of the Senses in “Celestina”, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2000, p. 51-52), ce texte aurait été composé au XIVe siècle à Gérone en Espagne. Il est possible qu’il ait été proposé aux candidats d’un Puy de musique.
Texte
PRIMA PARS
Dic Maria quid vidisti,
Contemplando crucem Christi ?
Vidi Christum spoliari,
Et in cruce (a) sublevari,
Peccatorum manibus.
Dic Maria quid vidisti,
Contemplando crucem Christi ?
Spinis caput coronatum,
Vultum sputis maculatum,
Et plenum livoribus.
Dic Maria quid vidisti,
Contemplando crucem Christi ?
Clavos manus perforare,
Hastam latus vulnerare,
Vivi fontis exitum.
Qui (b) se Patri commendavit,
Et quod caput inclinavit,
Et emisit spiritum.
SECUNDA PARS
Dic Maria quid fecisti,
Postquam Jesum amisisti ?
Matrem flentem sociavi,
Quam ad domum reportavi, (c)
Et utrumque deploravi.
Post unguentum præparavi, (d)
Et sepulchrum visitavi,
Non inveni quem amavi, (e)
Planctus meos duplicavi.
O Maria, noli flere,
Jam surrexit Christus vere !
Certe multisargumentis,
Vidi signa resurgentis.
(a) Tours : « crucem ».
(b) Guéranger : « Quod ».
(c) id. : « Cum qua domum remeavi, / Et in terram me prostavi ».
(d) id. : « Post unguenta comparavi ».
(e) id. : le vers est absent.
Traduction
[PREMIÈRE PARTIE]
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous,
en contemplant la croix du Christ ?
J’ai vu le Christ que l’on dépouillait,
et les mains des pécheurs
qui l’élevaient en croix.
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous,
en contemplant la croix du Christ ?
J’ai vu sa tête couronnée d’épines ;
son visage souillé de crachats,
et tout livide de meurtrissures.
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous,
en contemplant la croix du Christ ?
J’ai vu des clous percer ses mains ;
une lance blesser son côté,
et une source vive qui en découlait.
Je l’ai vu se recommander à son Père ;
puis il inclina sa tête
et rendit l’esprit.
SECONDE PARTIE
Dites-nous, Marie, que fîtes<-vous,
après avoir perdu Jésus ?
J’accompagnai la Mère en pleurs ;
avec elle je revins à la maison,
et je pleurai sur le fils et la mère.
Ensuite je préparai des parfums ;
j’allai visiter le sépulchre ;
je n’ai pas trouvé celui que j’aimais,
et mes sanglots redoublèrent.
« Ne pleure pas, ô Marie !
le Christ est déjà ressuscité. »
Enfin par moi-même je reconnus les signes évidents
de la résurrection du Fils du Tout-Puissant.
(traduction d’après : Prosper Guéranger, Le Temps pascal, tome I, Paris, Vrayet de Surcy, 1859, p. 235-236.)