Anonyme (Thomas Gobert ?)

DOMINE SALVUM… NUNC BENEDICENS TE

[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.55]

Attribution

Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions). Si l’hypothèse d’une pièce destinée à l’une des cérémonies du couronnement de Louis XIV en juin 1654 (voir ci-dessous) était prouvée, l’œuvre pourrait éventuellement être attribuée à Thomas Gobert dans le cas où cette pièce aurait été jouée lors du sacre proprement dit (Gobert est à cette époque sous-maître de la Chapelle royale pour le semestre de janvier). Dans le cas d’une autre cérémonie rémoise liée au sacre (messe ou vêpres), ce motet pourrait alors revenir au maître de chapelle de la cathédrale de Reims (Gérard Béraud ?).

Source

Anonyme, [sans titre], dans Recueil Deslauriers (n° d.55), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 47-48, F-Pn/ Rés Vma ms 571

(f. 47-48 en entier)

Contrairement à la plupart des motets contenus dans le recueil Deslauriers, cette pièce présente plusieurs erreurs grossières, dont un décalage important du contrepoint (voir mes. 18-24), signalé par le copiste au moyen de « / ».

Datation – Provenance

Les paroles de ce motet, propres au couronnement des rois de France (voir ci-dessous), permettent de proposer une datation précise. Le style de la musique, relativement moderne et dans le goût des années 1650, contredit l’hypothèse avancée par Peter Bennett – voir Bibliographie, Appendix 2 : « in praise of Louis (XIII) », non paginé –. Dans ce cas, l’œuvre serait plutôt destinée au sacre de Louis XIV en juin 1654 à Reims.

Utilisation liturgique

Sacre du roi.

Effectifs – Disposition – Interprétation

sol2,ut1,ut2,ut3,ut4,fa3

Ce motet est composé pour un chœur à six parties composé de deux voix d’enfant, accompagnées par quatre pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille, basse-taille et basse.

Notes sur le texte

Encadré par le Domine salvum fac regem, ce centon composite en trois parties, anonyme, reprend très exactement, pour la section « Det tibi... fratrum turorum », un texte propre à la cérémonie du sacre – cf.  Pierre David, Cérémonies pratiquées au sacre et couronnement des roys de France, Paris, Pierre David, 1654, p. 93 –. Il s’agit de l’oraison déclamée par l’archevêque de Reims, durant la seconde bénédiction du nouveau roi, au moment de l’intronisation, après le sacre proprement dit. Plus précisément après l’onction où le chœur chante l’antienne Unxerunt Salomonem, après la remise des trois vêtements (la tunique, la dalmatique et le manteau royal), la bénédiction des gants, la remise de l’anneau, puis celles du sceptre et de la main de justice, juste après la pose de la grande couronne sur la tête du roi. Avant donc l’acclamation Vive le roi « au son des trompettes, des haut-bois, et de toutes sortes d’instruments », à laquelle succède le chant du Te Deum, puis la grand’messe. Ce texte présente quelques altérations mineures et l’ajonction de formules révérentielles (voir ci-dessous).

Ces textes proviennent tous de la Genèse (xxvii, 28-29). En outre, deux autres fragments de ce livre (xxii, 17 ; xxvii, 27) ont été insérés dans le centon.

Par ailleurs, dans certains ouvrages liturgiques, ces textes peuvent être utilisés comme répons pour les vêpres du 2e dimanche de Carême (voir entre autres le Bréviaire de l’Ordre de Cisteaux, partie d’hiver, Paris, Michel Lambert, 1772, p. 337). Toutefois, les acclamations « O Ludovice rex » appuient le lien avec les cérémonies du sacre, même si la question de la fonction liturgique précise du motet reste entièrement ouverte.

Texte

[PRIMA PARS]

Domine salvum fac regem : et exaudi nos in die qua invocaverimus te.

Nunc benedicens te Jacob, benedicam tibi et multiplicabo te, ut stellas cæli et inumerabilis arena maris (a).

O Ludovice, o noster Jacob, sic (b) multiplicabo te.

Domine salvum fac regem.

 

SECUNDA PARS

O Ludovice rex, det tibi Deus de rore cæli, de pinguedine terræ habundantiam (c) frumenti et vini et olei (d).

Sic benedicens te, o rex, benedicam tibi et multiplicabo te.

 

TERTIA PARS

Serviant tibi populi, o rex Ludovice, o noster Jacob, adorent te tribus. Incurventur ante te filii matris tuæ : Esto dominus regnum fratrum tuorum (e).

O Ludovice, o noster Jacob, ecce odor regis nostri,

sicut odor agri pleni lillis et floribus (f).

Domine salvum fac regem.

 

(a) Genèse (xxii, 17) : « Benedicam tibi, et multiplicabo, semen tuum sicut stellas cæli. »

(b) Deslauriers (D1, D2,T) : « et ».

(c) Deslauriers : « habundantia » (basse) ; sources littéraires : « abundentiam ».

(d) Cérémonies-1654 : « Omnipotens Deus, det tibi de rore cæli, et de pinguedine terræ abundantiam frumenti, vini et olei. »

Genèse (xxvii, 28) : « Deus de rore cæli et de pinguedine terræ abundantiam frumenti et vini. »

(e) Cérémonies-1654, Genèse (xxvii, 29) : « Et serviant tibi populi, et adorent te tribus. Esto dominus regnum fratrum tuorum, incurventur ante te filii matris tuæ. »

(f) Genèse (xxvii, 27) : « Ecce odor filii mei, sicut odor agri pleni, cui benedixit Dominus. »

Traduction

[PREMIÈRE PARTIE]

Seigneur, sauve le Roy : et nous exauce au jour que nous t’invoquerons.

Maintenant en te bénissant Jacob, je te comblerai de bénédictions et je te multiplierai, comme les étoiles du ciel et le sable innombrable de la mer.

O Louis, ô notre Jacob, je te multiplierai ainsi.

Seigneur, sauve le Roy.

 

[DEUXIÈME PARTIE]

O roi Louis, que Dieu te donne de la rosée du ciel, de la graisse de la terre, une abondance de blé et de vin et d’huile.

Ainsi, en te bénissant, ô roi, je te comblerai de bénédiction et je te multiplierai.

 

[TROISIÈME PARTIE]

Que tous les peuples te servent, ô roi Louis, ô notre Jacob, et que les descendants de Jacob t’adorent. Que les enfants de ta mère se courbent devant toi : Sois le maître de tes frères.

O Louis, ô notre Jacob, voilà l’odeur de notre roi est semblable à l’odeur d’une campagne fertile pleine de lys et de fleurs.

Seigneur, sauve le Roy.

 

(traduction du Domine salvum : Renaud de Beaune, archevêque de Bourges, Les CL. Pseaumes de David, latins et françois, dernière édition revue et corrigée, Paris, Gabriel et Nicolas Clopejau, 1648, p3 ; traduction de l’oraison du sacre, citée par Louis Silvy, L’Hermite de Corbeny ou le sacre et le couronnement de Charles X, Laon, A. Strauss-Marchant, 1825, p. 127 ; traduction de l’extrait de la Genèse : Jacques-Joseph Duguet, Explication du livre de la Genèse, Paris, François Babuty, 1732, t. 3, p.478)

Résumé

Titre

Domine salvum... nunc benedicens te

Effectif simplifié

Six parties avec deux voix d'enfants

Effectif détaillé

sol2,ut1,ut2,ut3,ut4,fa3

Source

Paris BnF (Mus.) : Rés. Vma ms 571, n° d.55.

Genre musical

motet

Genres littéraire et liturgique

centon

Identifiant

Lieu cité

Reims

Utilisation liturgique

Sacre du roi