Anonyme
HEU UNUS EX VOBIS
[Tours, Bibliothèque municipale, ms 168, n° t.7]
Attribution
Ce motet est anonyme. Les attributions précédentes sont sans fondement (voir Dossier attributions).
Sources
Anonyme, [sans titre], dans Recueil de motets et chansons de Tours (n° t.7), partition, ms, 365 x 230 mm, f. 19-20v, F-TO : ms 168
(f. 19-19v-20 en entier ; 1er système du f. 20v.)
Datation – Provenance
Aucun élément factuel ne permet de dater ce motet pour lequel aucune concordance n’a été établie, ni même de proposer une provenance géographique. Du point de vue contrapuntique, le motet rappelle les hardiesses du Cantique de Moyse d’Étienne Moulinié (publié en 1658), mais par la vivacité de l’action dramatique et sa maîtrise, il est difficile de ne pas voir ici le modèle de Guillaume Bouzignac, par exemple dans son Dum silentium, GBc.03 ; voir n° t.37 (d.106).
Utilisation liturgique
Vendredi saint.
Effectifs – Disposition – Interprétation
ut1,ut3,ut4,ut4,fa4
Dans ce chœur à cinq parties, le dessus est chanté par les enfants de chœur, accompagné par quatre pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille, basse-taille et basse.
Dans le cas de Heu unus ex vobis, dans lequel les paroles de Jésus (Rabbi) sont constamment confiées à la partie de taille, il est souhaitable d’isoler un soliste
(mes. 1-25, 37-50). Ces sections posent néanmoins un problème d’équilibre, puisque le chœur qui dialogue avec le Christ chante alors à quatre parties, les autres sections étant à cinq. Cela peut s’expliquer par le manque de place dans le manuscrit original (le manuscrit de Tours n’étant qu’une copie). Il est donc possible que, dans ses sections, les autres tailles ont eu une partie différente complétant le chœur (par exemple dans les « Heu ! » du début). En l’absence de cette partie, elles chanteront la partie de basse-taille.
Notes sur le texte
Le texte de cette histoire sacrée anonyme se présente sous la forme d’un centon dialogué, lui aussi anonyme. Propre à un office du vendredi saint, il est tiré de fragments des Évangiles de St Jean (5, 6, 8, 22), Matthieu (25, 26, 37, 39, 47-49), Luc (43, 48) et Marc (37). Le texte du Nouveau Testament est scrupuleusement respecté hormis en trois endroits : la formule « Pater, si fieri potest » des Évangiles (Matthieu, 26, 39) devient ici « Pater mi, si… » ; le terme « verumtamen » est réduit à « tamen ». Quelques mots ont été ajoutés pour créer l’effet dramatique : les « heu ! » de la première partie, de même que « prope est », la répétition de « Surgite » et l’interrogation « Simon, dormis ? ».
Texte
Heu !
« Unus ex vobis me tradet hodie. »
« Numquid ego sum, Rabbi ? »
« Tu dixisti. »
Heu !
« Pater mi, si fieri potest, transeat a me calix iste ; »
Heu !
« tamen non mea voluntas, »
Heu !
« sed tua fiat. »
Heu !
« Simon, dormis ? »
Heu !
« Simon, dormis ? »
« Surgite, eamus : ecce qui me tradet. »
(Prope est.)
« Surgite ! »
« Ave Rabbi. »
« Amice, ad quid venisti ? »
« Juda, filium hominis tradis ? »
(Ecce turba multarum gladiis et fustibus.)
« Quem quæritis ? »
« Jesum Nazarenum. »
« Ego sum. »
(Abierunt retrorsum.)
« Quem quæritis ? »
« Jesum Nazarenum. »
« Ego sum. »
« Si ergo me quæritis, sinite hos abire. »
Traduction
Hélas !
« Un de vous me trahira aujourd’hui. »
« Maistre, sera-ce moy ? »
« Tu l’as dit. »
Hélas !
« Mon Père, que ce Calice, s’il est possible, se retire de moy ; »
Hélas !
« au reste, non pas comme je desire ; »
Hélas !
« mais comme vous le voulez. »
Hélas !
« Simon, dors-tu ? »
Hélas !
« Simon, dors-tu ? »
« Levez-vous, allons : voicy celui qui me doit trahir. »
Il est proche.
« Levez-vous ! »
« Maître, bien vous soit. »
« Amy, à quel dessein es-tu venu ? »
« Judas, trahis-tu le fils de l’homme ? »
Voici force gens armez d’épées et de bastons.
« Qui cherchez-vous ? »
« Jesus de Nazareth. »
« Je le suis. »
Ils s’en allèrent à la renverse.
« Qui cherchez-vous ? »
« Jesus de Nazareth. »
« Je le suis. »
« Si donc c’est moy que vous cherchez, permettez que ceux-cy s’en aillent. »
(traduction d’après : Michel de Marolles, Daniel de Cigongne, L’Office de la Semaine Sainte, selon le Messel et Breviaire Romain, Paris, Compagnie des Libraires associés au Livre de la Semaine Sainte, 1662, p. 36-40.)