Guillaume Bouzignac

DUM SILENTIUM TENERENT OMNIA (GBc.03)

[Tours, Bibliothèque municipale, ms 168, n° t.37]

[Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. Vma ms 571, n° d.106]

Attribution

Bien qu’anonyme dans la source A, ce motet est clairement attribué à Guillaume Bouzignac dans la source B.

Sources

A.

Anonyme [Guillaume Bouzignac], [sans titre], dans Recueil de motets et chansons de Tours (n° t.37), partition, ms, 365 x 230 mm, f. 56v-58v, F-TO : ms 168

(2e système du f. 56; les f. 57, 57v et 58 en entier ; 1er système du f. 58v.)

 

B.

Guillaume Bouzignac, [sans titre], dans Recueil Deslauriers (n° d.106), partition, ms, 352 x 220 mm, f. 93v-94v, F-Pn : Rés Vma ms 571

(f. 93v-94-94v en entier)
à la fin : « G. Bouzignac »

Comparaison des sources

Ces deux sources témoignent d’un lien et peut-être d’une origine commune. On notera toutefois quelques variantes, quant aux choix des altérations, de certains mouvements mélodiques dans les parties intermédiaires, mais aussi dans le texte . Les variantes sont décrites dans le dossier Concordances et analysées dans celui de Peter Bennett.

Datation – Provenance

Dans la source A, la référence « Pax pro principe Henrico » à la fin du texte, fort claire, renvoie à Henri II, duc de Montmorency (1595-1632), qui fut gouverneur du Languedoc de 1614 à sa mort. C’est probablement durant cette période que Bouzignac a composé ce motet, période durant laquelle il a pu occuper un poste de maître de chapelle dans cette province. Malheureusement, nous ignorons tout de sa carrière après son bref séjour à Grenoble en 1609 et ce jusqu’à sa nomination à Bourges à la fin de 1624. De même, aucune trace de son activité ne subsiste entre son départ de Bourges au début de 1627 et son arrivée à Rodez en août 1629, ni après son départ de Rodez en 1632 jusqu’à l’obtention d’une cure à Montauban en 1642. Les archives le déclarent alors « prêtre du diocèse de Narbonne ».

Par ailleurs, la mention suivante « Pax hæreticis ? Non ! » évoque peut-être les campagnes de Montmorency contre les protestants, les sièges de Montauban et de Montpellier (1621-1622), et la paix conclue en octobre 1622, ce qui permettrait de dater plus précisément ce Dum silentium.

La référence à Montmorency disparaît dans la source B, remplacée par « Pax pro inclito Vitali », qui renvoie probablement comme l’indique Martial Leroux (voir Bibliographie), à Vital de Lestang, évêque de Carcassonne de 1621 à 1652. Cela suffit-il à envisager la présence de Bouzignac dans cette ville avant sa nomination à Bourges ? Toutefois, l’évocation des hérétiques mentionnée précédemment n’a guère de sens dans cette cité où les calvinistes étaient assez rares.

Utilisation liturgique

Annonciation.

Effectifs – Disposition – Interprétation

sol2,sol2,ut2,ut3,ut3,fa3

Le motet est composé pour un chœur à six parties. Les dessus divisés, chantés par des voix d’enfants, sont accompagnés par quatre pupitres de voix d’hommes : haute-contre, taille, basse-taille et basse. Ce motet en dialogue oppose le chœur des pasteurs à l’ange Gabriel que l’on pourra isoler par exemple en tribune.

Notes sur le texte

Le texte anonyme de cette histoire sacrée se présente sous la forme d’un centon dialogué. La mise en scène très réaliste de l’apparition de l’ange Gabriel aux bergers est due à la plume du poète anonyme qui eut l’heureuse idée d’interrompre les propos de l’ange (tirés scrupuleusement de l’Évangile selon saint Luc, chap. ii, 10) par les questions des bergers abasourdis ? De même, les invocations finales reviennent à ce poète néo-latin.

Quant à la narration, elle est empruntée fidèlement à la même source (Luc, chap. ii, 1, 8, 13, 14), avec parfois quelques troncatures. Pour ajouter au mystère, le centon s’ouvre sur un fragment du Livre de la Sagesse (chap. 18, ℣. 14), fragment que l’on chante pour la fête de l’Annonciation.

Texte

Dum silentium apparuit tenerent omnia apparuit et nox in suo cursu iter haberet ; apparuit Jesus, a regalibus sedibus venit.

Exiit edictum a Cæsare Augusto, ut describeretur universus orbis.

Tunc silentium.

Gabriel !

Pastores noctis(a) vigilias agentes :

Gabriel ad pastores ait :

« Quis est hoc ? »

« Pastores, »

Vox clamat (b) de cælo.

« Pastores, »

« Quis est hoc ? »

« Nolite timere : »

« O vox dulcis et consolatrix ! »

« Annuncio vobis : »

« Quæ ? »

« Gaudium magnum : »

« Quale ? »

« Natus est vobis : »

« Quis ? »

« Salvator : »

« Quando ? »

« Hodie. »

« Ubi ? »

« In Bethleem Judæ civitate David. »

Facta est cum angelo multitudo cælestis laudantium et dicentium : « Gloria in altissimis (c) Deo et in terra ! »

« Pax pro papa nostro et in terra ! »

« Pax pro rege nostro et in terra ! »

« Pax pro principe Henrico (d). »

« Pax hæreticis ? Non ! sed hominibus bonæ voluntatis ! »

 

(a)  source A : le terme peut être remplacé par « montis ». Dans la source B, même superposition, mais « noctes » et « montes ».
(b)  source B : « clamantis ».
(c)  id. : « altissimi ».
(d)  id. : « Pax pro inclito Vitali ». Sous le texte : « pro præsule ».

Traduction

Il parut lorsque tout reposait dans un paisible silence, et que la nuit était au milieu de sa course ; Jésus apparut, et il descendit de son trône royal.

Il arriva qu’en ce même temps on publia un édit de César Auguste pour faire un dénombrement des habitants de toute la terre.

Alors, il y eut silence.

Gabriel !

Des bergers passoient la nuit dans les champs, veillant tour à tour à la garde de leur troupeau.

Gabriel dit aux bergers :

« Qui est celui-là ? »

« Bergers. »

Une voix descendit du ciel.

« Bergers. »

« Qui est celui-là ? »

« Ne craignez point. »

« O quelle voix douce et consolatrice ! »

« Car je vous viens apporter une nouvelle, »

« Quoi ? »

« Qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joye. »

« Laquelle ? »

« Il est né pour vous. »

« Qui ? »

« Le Sauveur. »

« Quand ?

« Aujourd’hui. »

« Où ? »

« À Bethléem en Judée, cité de David. »

Au même instant il se joignit à l’ange une grande troupe céleste, qui louait Dieu et disait : « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux, et sur la terre ! »

« Paix pour notre pape et sur la terre ! »

« Paix pour notre roi et sur la terre. »

« Paix pour le prince Henri (e) ! »

« La paix pour les hérétiques ? Non ! mais pour les hommes de bonne volonté ! »

 

(e)  variante de la source B : « pour l’illustre Vital ». Sous le texte : « pour l’évêque ».

 

(pour le Livre de la Sagesse, traduction d’après : Augustin Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, vol. 5, Paris, Emery, Saugrain l’aîné, Pierre Martin, 1726, p. 228 ; pour l’Évangile selon saint Luc : Isaac Le Maître de Sacy, Le Saint Evangile de Jesus-Christ selon saint Luc, traduit en françois, Paris, Guillaume Desprez, 1705, p. 110-111 ; pour le reste : traduction de Jean Duron)

 

 

Résumé

Titre

Bouzignac - Dum silentium tenerent omnia [GBc.03]

Effectif simplifié

Six parties avec deux voix d'enfants

Effectif détaillé

sol2,sol2,ut2,ut3,ut3,fa3

Source

Tours BM : ms 168, n° t.37
Paris BnF (Mus.) : Rés. Vma ms 571, n° d.106

Genre musical

motet

Genres littéraire et liturgique

histoire sacrée
centon dialogué

Identifiant

Lieu cité

Languedoc
Bourges
Rodez
Montauban
Montpellier
Grenoble
Narbonne
Carcassonne

Utilisation liturgique

Annonciation